Dans son huitième roman, Ada, paru dans le cadre de la rentrée littéraire 2016, Antoine Bello plonge ses lecteurs dans le monde mystérieux et passionnant de l’intelligence artificielle. Critique d’un récit d’anticipation efficace qui se lit comme un polar et dont l’intrigue rappelle, à la fois, le film de science-fiction I-Robot et la série policière ultra-réaliste New York Unité Spéciale.

© Gallimard
Lorsqu’Ada, une Intelligence Artificielle, ou AI, programmée pour écrire des romans sentimentaux, disparaît des ordinateurs de la Turing Corp, une entreprise d’informatique en vue de la Silicon Valley, l’affaire est confiée, faute de mieux, à une unité de police spécialisée dans la recherche de personnes disparues et la lutte contre le trafic d’êtres humains. C’est ainsi que Frank Logan, un flic de la vieille école, vraiment pas très à l’aise avec les nouvelles technologies, se retrouve embarqué, bien malgré lui, dans une enquête qui le dépasse et découvre des secrets qui pourraient changer profondément l’avenir de l’humanité.
C’est cette histoire certes fictionnelle mais totalement plausible que raconte l’écrivain français Antoine Bello dans son dernier ouvrage, Ada. Il propose aux lecteurs de suivre le déroulement des investigations du point de vue de Frank et le résultat s’avère être une réussite. Cette intrigue dans l’air du temps donne un côté résolument moderne au roman et on apprécie ce policier proche de la retraite, un peu réac sur les bords, mais profondément attachant.
Un polar réaliste et bien mené
Au début du livre, le lecteur se retrouve parachuté dans le quotidien d’une sorte d’Unité Spéciale californienne un peu mollassonne, dont l’essentiel du travail consiste à retrouver de jeunes fugueurs et à tenter d’arrêter des proxénètes. Il comprend donc tout de suite que Frank n’est absolument la personne idéale pour retrouver un programme informatique perdu. Cependant, très vite, l’histoire s’emballe à mesure que le mystère s’épaissit et l’on se prend vite au jeu de cette enquête dont les nombreux rebondissements nous tiennent en haleine. Le suspense est d’ailleurs souligné par la forme même du texte avec ses chapitres courts qui mettent l’accent sur la rapidité avec laquelle les retournements de situation s’enchaînent.
En outre, même s’il est de nationalité française, Antoine Bello est né et vit aux États-Unis. Ainsi, il décrit avec précision les réalités de la vie quotidienne de Frank et de sa femme, un couple banal d’Américains moyens qui doivent faire face aux grands bouleversements que le développement galopant des technologies de pointe fait subir à leur ville comme à l’ensemble de la société. A grand renfort d’anecdotes vraies ou non et de petits détails, il montre comment la Silicon Valley s’est presque complètement transformée en l’espace de quelques années.
Un questionnement sur la conscience et la littérature
Cependant, bien que l’intrigue se concentre essentiellement sur la recherche de l’AI disparue, l’auteur en profite pour ponctuer son histoire de quelques passages où les protagonistes prennent un peu de recul et abordent des questions essentielles que l’enquête soulève. Ainsi, en apprenant que des ordinateurs sont conçus pour écrire des livres en se basant sur des statistiques, Frank s’interroge sur la place réelle de la notion de créativité dans l’art. En constatant aussi qu’Ada fait, à sa manière, preuve d’imagination, il se demande ce qui différencie les humains des robots. En donnant l’avis de plusieurs personnages sur ces problématiques de fond et en faisant évoluer l’opinion de Frank au fil des évènements, Antoine Bello parvient à donner aux lecteurs plusieurs façons de voir les choses. Ainsi, sans imposer trop directement sa vision quelque peu fataliste des choses, il nous amène subtilement à réfléchir sur notre avenir.
Ada d’Antoine Bello, paru en France en 2016 aux éditions Gallimard (362 pages, 21€).