A l’occasion de sa sortie en DVD en France, le 2 novembre, OOK magazine vous fait (re)découvrir Demolition, le douzième film du réalisateur québécois Jean-Marc Vallée, sorti en salles au printemps 2016. Un drame psychologique percutant qui offre un éclairage différent sur la douloureuse question de la perte d’un proche.

© Twentieth Century Fox
Avec Demolition, Jean-Marc Vallée, à qui l’on doit l’excellent Dallas Buyers Club qui a remporté trois Oscars en 2014 (dont celui du meilleur acteur pour Matthew McConaughey), confirme qu’il est un grand spécialiste des drames et un très bon observateur des émotions et des relations humaines. Dans ce long-métrage, Jake Gyllenhaal, que l’on connaît, entre autres, pour son rôle de cowboy homosexuel dans Le secret de Brokeback Mountain, joue Davis Mitchell, un banquier d’affaires qui travaille dans l’entreprise de son beau-père Phil, interprété par Chris Cooper. Bourreau de travail, il s’investit totalement dans sa carrière au détriment de son mariage et connaît ainsi le succès comme la plupart des jeunes loups de la finance. Mais, suite à un grave accident de voiture, Davis perd sa femme Julia (Heather Lind) et développe une obsession étrange pour la démolition.
Une gestion particulière du deuil
Toute personne ayant déjà perdu un être cher sait qu’il n’existe pas de recette miracle pour se remettre d’une telle tragédie. Chacun fait de son mieux. Cependant, au début du long-métrage, on ressent un certain malaise en regardant Jake Gyllenhaal, convaincant dans son rôle de veuf, agir de façon mécanique, comme anesthésié, insensibilisé, et se transformer, peu à peu, en marginal. Ainsi, tout au long du film, Davis Mitchell garde ses habitudes et ses rituels matinaux. Le réalisateur montre cela à l’écran en répétant régulièrement les mêmes plans sur le réveil qui indique la même heure ou la main du personnage principal qui repose la télécommande des stores de sa chambre à coucher. Toutefois, petit à petit, Davis perd les pédales.
Alors qu’il cherche obstinément à faire en sorte qu’on lui rembourse les quelques pièces qu’il a inséré dans un distributeur en panne, il noue une relation ambiguë avec Karen Moreno (Naomi Watts), responsable de service client et mère célibataire paumée et droguée. Dès lors, il s’éloigne de sa belle-famille et commence à tout envoyer valser au sens propre comme au figuré. Ainsi, il n’hésite pas à admettre devant un inconnu qu’il n’est pas certain de n’avoir jamais aimé son épouse et se met à détruire tout ce qui lui passe sous la main.
Avec cette métaphore, Jean-Marc Vallée donne sa vision de la douleur, loin des fameuses cinq phases du deuil décrites dans bon nombre de séries et de films américains. Pour lui, mieux vaut totalement toucher le fond pour, ensuite, pouvoir remonter à la surface.
Tout détruire pour mieux se (re)construire
En effet, lorsque Davis Mitchell démolit sa maison et son environnement, il découvre des pans de sa vie auxquels il n’avait, auparavant, pas prêté attention ainsi que la vérité sur son couple. Cette table rase de son passé lui permet de comprendre la réelle personnalité de sa défunte épouse et d’honorer sa mémoire de la manière qui lui correspond le mieux. On retrouve cette même idée dans l’histoire du fils de Karen Moreno, Chris (Judah Lewis), âgé de quinze ans, qui ne décide d’arrêter d’hésiter et d’attendre pour être vraiment lui-même qu’une fois s’être littéralement « fait démolir ».
Cet éloge de l’anéantissement dépasse donc le simple cadre du deuil. Dans son long-métrage, Jean-Marc Vallée semble pousser les spectateurs à laisser tomber la demi-mesure, à cesser de rafistoler leurs vies car, à la longue, tout finit par s’effondrer. Mieux vaut donc prendre les problèmes à bras le corps et les régler une bonne fois pour toutes.
Demolition de Jean-Marc Vallée, Etats-Unis, 2016, 1h41, sorti en DVD et Blu-Ray aux Etats-Unis le 19 juillet 2016 et en France le 2 novembre 2016.