Sorti en France le 1er novembre 2016, Mr Wolff, le dernier film du réalisateur américain Gavin O’Connor, nous plonge dans l’univers obscur du financement des cartels de la drogue et de la mafia. Critique de ce thriller efficace, à mi chemin entre le drame familial et le film d’action à la James Bond.

© Warner Bros
Christian Wolff n’est pas un expert-comptable comme les autres. Entre deux rendez-vous avec des paysans de l’Illinois qui cherchent à payer moins d’impôts, ce surdoué des chiffres atteint d’une forme lourde d’autisme gère les affaires des organisations les plus violentes et les plus dangereuses du monde. Il fait donc l’objet d’une enquête du FBI. Pour se protéger, il décide de faire profil bas en se faisant embaucher par la société Living Robotics qui commercialise des prothèses dernier cri. Mais, il découvre une anomalie dans les comptes de l’entreprise et s’embarque dans une chasse à l’homme ultra violente pour rétablir la justice.
Un an après la sortie de son dernier long-métrage, Jane Got a Gun, Gavin O’Connor reprend la caméra et nous offre une plongée dans la vie mouvementée de ce personnage complexe et énigmatique, incarné avec brio par Ben Affleck.
La différence comme une force
Dès le début du long-métrage, le décor est planté. Dans la pénombre, on suit, en caméra subjective, un tueur alors qu’il abat froidement neuf personnes. Puis, sans transition, on est parachutés dans un centre spécialisé pour les enfants atteints de maladies psychiques avant de se retrouver face à Christian Wolff en plein rendez-vous de travail. Ces premières minutes sont caractéristiques du schéma adopté, tout au long du film, par Gavin O’Connor qui multiplie les flashbacks. Même s’ils sont parfois difficiles à suivre, ces nombreux sauts dans le temps nous permettent de saisir la personnalité de Mr. Wolff et de comprendre sa maladie.
En effet, le réalisateur insiste sur l’éducation que le jeune Christian a reçue de son père (joué par Robert C. Treveiler) et la façon dont ce dernier a cherché à faire en sorte qu’il s’adapte à la société malgré ses troubles psychologiques et sache se défendre plutôt que de l’isoler pour s’assurer qu’il ne se mettra pas en danger. Ainsi, il explique comment, arrivé à l’âge adulte, le comptable réussit à se fondre dans la masse et à mettre à profit les particularités que lui confère son autisme, comme son immense capacité de concentration ou son perfectionnisme, pour devenir un génie des mathématiques et une véritable machine de guerre. Cette idée est renforcée par le jeu de Ben Affleck qui, loin de singer la performance inoubliable de Dustin Hoffman dans Rain Man, campe un personnage raide, impassible et taciturne qui rappelle, par certains côtés, les soldats ou les policiers joués, par exemple, par Bruce Willis dans bon nombre de ses films.
Toutefois, Mr Wolff ne délivre pas une vision idéalisée de l’autisme. Gavin O’Connor n’omet de montrer les troubles relationnels de Christian, notamment lorsque ce dernier, bien que manifestement amoureux, ne parvient pas à nouer une vraie relation avec Dana Cummings (Anna Kendrick), jeune comptable employée chez Living Robotics.
Une conception particulière du bien et du mal
Par ailleurs, l’état psychologique de Christian Wolff lui confère une vision différente du monde. Il juge les gens selon des critères qui lui sont propres et va souvent jusqu’à assassiner ceux qu’il considère comme mauvais. A l’inverse, il protège ceux qui trouvent grâce à ses yeux. Par exemple, pour décider s’il va ou non tuer un agent fédéral, il lui demande s’il est « un bon père » et ne lui laisse la vie sauve que parce que c’est le cas.
Or, c’est cette notion du bien et du mal qui prévaut sur l’ensemble du film. En effet, le réalisateur fait en sorte que le spectateur s’attache voire s’identifie au personnage de Christian qui, bien qu’il soit un tueur autiste, n’est jamais présenté comme étant complètement fou et dangereux mais garde toujours une part d’humanité. A l’inverse, les membres des forces de l’ordre ne sont pas décrits comme totalement bons. Ainsi, alors que l’on suit l’enquête menée par les autorités sur le comptable, on découvre que les forces de l’ordre n’hésitent pas à passer toutes sortes d’accords avec des criminels pour résoudre des affaires.
Mr Wolff sonne donc comme une critique de la société dans son ensemble car, au final, le seul à apparaître comme juste et fidèle à ses valeurs, c’est bel et bien Christian, le « débile », l’autiste, l’inadapté.
Titre original : The Accountant de Gavin O’Connor, Etats-Unis, 2016, 2h10, sorti aux Etats-Unis le 14 octobre 2016, en France le 1er novembre 2016 et au Liban le 27 octobre 2016.